David Fabre, Franck Goddio
Une statuette chypriote découverte à Thônis-Héracléion (Égypte)
in Institut des Cultures méditerranéennes et orientales de l’Académie polonaise des Sciences, Etudes et Travaux XXV, 2012, p. 81-100
"En 2008, fut mise au jour à Thônis-Héracléion, site englouti dans la baie d’Aboukir au Nord-Ouest du Delta du Nil, une tête de statuette en calcaire (K7_11031). Nous souhaitons présenter ici le contexte archéologique et historique de cet objet exceptionnel afin d’exprimer notre vive reconnaissance au Professeur Zsolt Kiss qui contribue depuis de nombreuses années aux études des oeuvres statuaires découvertes par l’Institut Européen d’Archéologie Sous-Marine, tant à Thônis-Héracléion qu’à Canope Est et Alexandrie. Cette étude lui doit beaucoup et il lui appartiendra de faire l’analyse stylistique détaillée et la publication de cette statuette ; il nous fit parvenir au moment de sa découverte une description préliminaire réalisée à partir de photographies: Le visage lisse se distingue par un nez large aux ailes bien dessinées et une bouche proche du dit sourire « archaïque » caractéristique de la sculpture grecque du IVe s. av. J.-C. En revanche, le modelé des lèvres est celui de la sculpture « classique » de la fin du VIe s. et du Ve s. av. J.-C., caractéristique de la sculpture chypriote en calcaire de cette période. Le traitement des yeux en deux plaques lisses en amande qui étaient à l’origine vraisemblablement peintes, n’a été observé que sur des statues de Chypre. Le couvre-chef est pour le moins énigmatique. Dans la sculpture et la coroplastie chypriote, des guerriers se voient coiffer d’un casque conique renflé, mais aucun exemplaire ne présente à l’arrière ce large pan protégeant la nuque. La coiffe semble correspondre à une sorte de bonnet en tissu ou en feutre plutôt qu’à un casque. Les bourrelets horizontaux qui apparaissent au bas du couvre-chef pourraient confirmer cette hypothèse. Certaines figurines chypriotes présentent un bonnet à la pointe inclinée. Par ailleurs, un tributaire lycien représenté sur un bas relief du palais de Persépolis (VIe s. av. J.-C.) est coiffé d’un bonnet de ce type, de même que le dieu Baâl sur une stèle provenant d’Ougarit (VIIIe s. av. J.-C.). Les dimensions et la qualité de la sculpture découverte à Thônis-Héracléion, permettent de penser qu’il ne s’agit pas d’une statue fabriquée en série, mais bien d’un personnage notable. Les bourrelets qui apparaissent sur le devant de la coiffe semblent correspondre à des cabochons tandis que les plus petits sculptés sur le côté pourraient représenter des pierres précieuses initialement cousues au bonnet. Il s’agirait d’un couvre-chef d’apparat qui conviendrait parfaitement à une divinité d’origine sémite telle que Baâl. En conclusion, cette tête de statuette pourrait appartenir à un dieu chypriote, en l’occurrence Baâl, datant du Ve s. av. J.-C."...
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