Ce monument a été présenté reconstitué dans l’exposition Trésors engloutis d’ÉgypteIl est composé des éléments suivants :Pyramidion: Musée du Louvre D 37Base et paroi postérieure : Musée gréco-romain d’Alexandrie JE 25774 ;Paroi gauche: SCA 161, 163; et SCA 164 ;Paroi droite : SCA 162Naos en pierre granitique sombre gravée en creux. Les cartouches du roi ont été martelés, le naos a été fracassé Cat. 8 Cat. 163, 162 en multiples morceaux, probablement lors de la destruction des temples de Canope et de Ménouthis par les chrétiens. Certaines surfaces sont très abrasées par le séjour dans l’eau. Il manque l’angle supérieur droit de la paroi postérieure, une bande sous le toit et quelques morceaux de la paroi gauche, ainsi qu’une importante partie de la paroi droite. ... Le Naos des Décades est un monolithe,en basalte très sombre, haut de 178 cm,magnifiquement décoré sur ses faces externes et internes. Il fut érigé par le roi Nectanébo Ier, premier roi de la ; e dynastie (380 à 362 av. J.-C.), en faveur de Shou-Sopd, dieu vénéré dans une ville à l’est du Delta : l’ancienne Maison de Sopd, l’actuelle Saft-el-Henné. Shou est la personnification de l’atmosphère gazeuse, située pour les Égyptiens entre le Ciel et la Terre; il est souvent représenté sous la forme d’un homme debout, les pieds reposant sur la terre (personnifiée par son fils Geb) et les bras levés pour soutenir le ciel (personnifié par sa fille Nout). La statue que contenait le naos figurait Shou sous la forme d’un lion assis. Bien que cette statue soit malheureusement perdue,on sait exactement comment elle se présentait, car elle est reproduite sur la paroi interne postérieure de la châsse. Les textes accompagnant la gravure précisent ses dimensions (hauteur 4 palmes, soit environ 30 cm) et la matière dont elle était formée (d’argent recouvert d’or fin).Nul doute que la vision, à l’ouverture des portes du naos, de ce lion d’or, d’un réalisme impressionnant, devait produire une sensation de saisissement autant par l’aspect redoutable du fauve que par son éclat,mis en valeur par le fond sombre de la pierre.Ce contraste de couleur est voulu, car Shou sous forme léonine et dorée symbolise la puissance du Soleil étincelant, alors que les parois noires évoquent le ciel de la nuit. Trésors engloutis d’ÉgypteCe naos est unique par son décor. Grâce à Yoyotte, on sait qu’il avait toutefois un pendant dédié à la soeur de Shou, la déesse Tefnout,de même facture et façonné certainement par le même atelier, car un fragment de la chapelle de Tefnout, très similaire à celle de Shou, a été vu à Alexandrie au XIXe siècle. Sur les faces externes du naos est gravé un calendrier divisant l’année égyptienne en tranches de dix jours ou décades, inaugurées par les levers successifs d’étoiles particulières appelées décans. 36 grandes cases sont consacrées chacune aux 36 décades de l’année, soit 360 jours, auxquelles s’ajoute une 37e case destinée aux cinq jours que les Égyptiens ajoutaient pour compléter l’année. Sur chacune de ces 37 cases apparaissent les mêmes cinq images, représentant, de haut en bas: un oiseau à tête humaine, un sphinx à tête de faucon brandissant un arc,un bélier passant, une momie debout, et une momie couchée. Comme Leitz l’a montré, les cinq figures sont en rapport avec les différents moments du cycle annuel des étoiles décans depuis leur apparition (l’oiseau à tête humaine) jusqu’à leur disparition (la momie couchée sur un lit funéraire). Devant l’oiseau, trois colonnes de textes précisent quels sont les dix jours de l’année dont il s’agit, et trois autres colonnes, en avant des quatre autres figures, contiennent un texte d’un genre astrologique donnant le détail des effets que les étoiles décans et Shou sont supposés induire sur la vie terrestre durant les dix jours indiqués devant l’oiseau : des guerres, des massacres, des épidémies touchent des populations étrangères, des rebelles, les animaux ou les plantes. Les maladies sont décrites et s’accompagnent souvent de fièvre, car il s’agit de maladies infectieuses provoquées par des germes véhiculés par l’air.Ces calamités sont déclenchées par les étoiles décans sous la direction du dieu Shou, personnification de l’atmosphère. Voici, en exemple, le texte de la 9e décade : « Le grand dieu à l’Origine : c’est lui qui cause des bains de sang, qui provoque la guerre, les tueries, le tumulte, et la violence. C’est lui qui envoie des miasmes à tous les pays étrangers après les avoir sauvagement battus.C’est lui qui crée la pluie dans le ciel et qui tue le petit bétail dans le désert. » Ce monument paraît être le précurseur des textes astrologiques égyptiens tardifs et l’ancêtre de notre astrologie, qui subdivise les douze signes du zodiaque en périodes de dix jours, les décans. Le zodiaque n’est cependant pas d’origine égyptienne ; on ne le trouve pas en Égypte avant la période ptolémaïque (318-30 av. J.-C.). En revanche, la première attestation indiscutable de la notion de décans est égyptienne, et elle est probablement à l’origine de la subdivision du temps et du calendrier égyptien. Lorsque le zodiaque apparaît en Égypte, on voit alors les anciens décans englobés trois par trois dans chacun des douze signes du zodiaque. Le Naos des Décades, antérieur de plus d’un demi-siècle à l’époque ptolémaïque, revêt un intérêt inestimable pour l’étude de l’évolution des idées, d’autant que l’un des gros morceaux trouvés en mer par l’IEASM donne un récit de la Création dont on ne possède aucun parallèle. Il raconte la création du ciel et des étoiles par le dieu Shou qui sépare le Ciel de la Terre et, se plaçant entre eux, personnifie l’atmosphère. Une fois le Ciel créé, Shou met en marche les étoiles décans et devient leur chef. C’est ainsi qu’il serait le grand dieu des commentaires astrologiques qui accompagnent chaque décade, et le responsable, avec les décans qu’il dirige, des maladies et des morts qui frappent surtout les ennemis de l’Égypte. Depuis l’Ancien Empire, le dieu Shou-Sopd était investi du rôle de protéger l’Égypte contre les envahisseurs venant de l’est. La nouvelle menace représentée par les Perses, dont le pays venait tout juste de se libérer, a pu être une des raisons pour le pharaon Nectanébo Ier d’ériger ce monument pour le dieu de Saft-el-Henné (cat. 21-24*). S.v.B.Sophie von Bomhard in Trésors engloutis d’Égypte, Paris, 2006 pp.74, 79 avec bibliographie