Le fragment de marbre blanc découvert à Canope figure un jeune garçon. La surface de la sculpture, fortement usée, présente de nombreux trous ronds causés par les mollusques marins. La composition est lacunaire : un tronc sans bras surmonté de la tête. La poitrine est brisée au-dessous des seins. Le dos, à la musculature traitée dans un modelé moelleux, s’arrête au niveau des reins. Le bras droit est cassé à la jointure de l’épaule ; il était à l’origine détaché du corps, probablement tendu. N’a subsisté du bras gauche que la moitié du biceps arrondi. Les traits du visage sont effacés, mais on reconnaît un menton court, une bouche souriante, un nez large et court, de petits yeux. Sur l’occiput du garçonnet repose une grande main ; seuls le pouce à l’ongle marqué, les premières phalanges de l’index et du majeur et le départ du poignet en sont conservés. Il en découle que la sculpture n’est pas une figure isolée mais l’élément d’une statuaire de taille naturelle. La position du poignet et du pouce permet d’identifier un personnage tenant de la main gauche l’enfant légèrement incliné vers l’arrière. La position de la tête (légèrement en arrière) suggère qu’elle se trouvait au niveau de la poitrine du personnage adulte. Enfin, le dos de l’enfant est modelé et donc libre de tout support. La brisure du bas laisse néanmoins apparaître que l’enfant ne se tenait pas debout mais dans une position où le corps est plié à la taille. Ces indices ont permis de rapprocher cette statue de l’Isis lactans du Musée maritime d’Alexandrie (n° 56). Des photographies prises dans les années 1930 présentent cette statue dans les jardins de la famille Toussoun aux environs d’Aboukir. En outre, l’état d’érosion de la pierre montre que la statue a, elle aussi, longuement séjourné dans le milieu marin. D’où la forte présomption que cette statue provient des recherches sous-marines menées en 1934 au large d’Aboukir par le prince Omar Toussoun.La statue, très abîmée, représente une femme assise dont la tête et les bras ont disparu. Elle est vêtue d’une longue robe fine dont une série de plis serrés verticaux retombent jusqu’à terre. Le pied gauche est légèrement reculé. Un ample manteau recouvre les jambes. Le tissu fin de la robe épouse la forme du sein droit. L’agencement du châle laisse supposer la présence du noeud caractéristique du vêtement d’Isis.Le côté gauche de la sculpture a disparu ainsi que le côté droit, mais une longue cassure horizontale sous le sein droit semble marquer le tracé de l’avant-bras dirigé vers le sein gauche brisé. Or, sous ce dernier sont conservés trois doigts fins de la main droite le soutenant. C’est exactement le schéma que nous voyons sur les représentations de la déesse donnant le sein au nourrisson Horus : Isis lactans. En effet, sur la cuisse gauche de la déesse est resté le bas du tronc de l’enfant, brisé de toutes parts. On peut distinguer le côté lisse de la fesse gauche. Accolée au ventre de sa mère, est conservée la jambe droite de l’enfant divin. Le groupe ainsi reconstitué trouve une parfaite analogie dans la statue d’Antakya. Le traitement du vêtement d’Isis est identique : l’agencement de la draperie sur le ventre, les cuisses et les jambes, les plis verticaux de la robe, le noeud en haut et à droite du sein droit. De la même manière, le petit Harpocrate est brisé au niveau des fesses ! Enfin, les dimensions sont proches (hauteur conservée : 130 cm pour la statue de Canope, 109 cm pour celle d’Antakya). Pourtant, l’Isis de Canope soutient son sein de la main droite, contrairement à celle d’Antakya ; le trône de la première est simple, voire sommaire, celui de la seconde est très ouvragé. Loin d’être des copies, ces sculptures dérivent incontestablement d’un modèle commun. Enfin, leur parenté stylistique permet de les dater toutes deux au IIe siècle de notre ère. Ainsi, l’Isis lactans de Canope appartient au pur style hellénistique. On serait tenté de restituer sa tête à l’image de la statue d’Antakya : un visage régulier, les cheveux ondulés séparés par une raie médiane. Au sommet, un petit trou permettait de fixer une couronne.Zolt Kiss in Trésors engloutis d’Égypte, Paris, 2006 p.148 avec bibliographie