Cette stèle monumentale de plus de 6 m de haut, qui se dressait à proximité du temple d’Héracléion, a malheureusement subi les outrages du temps. Brisée en de nombreux fragments, sa face inscrite de textes hiéroglyphique et grec a mal résisté aux eaux marines. Sur certains blocs, le texte est irrémédiablement perdu, sur d’autres ne subsistent que des traces peu distinctes. On peut considérer qu’un quart du document est conservé, occupant en particulier l’angle supérieur gauche de la stèle ; le début de chaque ligne hiéroglyphique est perdu ; du texte grec, il ne reste que quelques lettres.Il nen demeure pas moins qu’entre les nombreuses lacunes qui émaillent ce document, des éléments encore appréciables de son contenu peuvent être glanés. La stèle a été érigée sous le règne conjoint de Ptolémée Évergète II et de ses deux épouses, Cléopâtre II et III, soit au cours de la période 141/140-131 ou 124-116 ; la date précise de rédaction est perdue. Les trois dieux évergètes sont représentés dans la partie gauche du cintre encore conservée, officiant devant Amon, Mout et une file de Lagides divinisés débutant par les dieux Adelphes. La présence de Ptolémée Néos Philopatôr (Memphitès) permet d’affiner la datation : le document a probablement été rédigé peu après 118. Le texte se présente de façon traditionnelle : protocole royal (l. 1), éloge royal mettant en exergue les bienfaits du roi à l’égard des temples autant que ses qualités guerrières (l. 2-11), topoi de la phraséologie royale.La ligne 12 marque la fin de l’éloge royal et le début du récit. La ligne 13 nous apprend que le Lagide a amené « la statue d’Amon-Rê, roi des dieux, vers la Thèbes du Nord », toponyme qui désigne Diospolis Kato / Tell el-Balamoun plutôt que Tanis, deux villes considérées comme les répliques septentrionales de Thèbes. Rien n’est conservé sur les raisons de cette sortie processionnelle. L’intérêt porté aux temples égyptiens par Évergète II se poursuit avec la mention de l’octroi annuel de blé aux dieux en général et en particulier au « dieu, maître de l’eau », c’est-à dire Amon (l. 13-14).La ligne 15 fait état d’une réalisation attribuée aux ancêtres du roi, réalisation localisée, à l’aide d’une succession d’indications topographiques, sur les franges littorales du Delta, « dans les confins du pays, sur le (bord) de la mer », à savoir Héracléion. À la ligne 16, Khonsou est mis en relation avec les îles de la mer, dans un passage dont la construction renvoie aux jeux allitératifs explicitant les attributions du dieu : il est celui qui « a parcouru les îles de la mer en son nom de Khonsou ».À la ligne 17, le texte se poursuit par l’évocation de bienfaits royaux en l’honneur d’une déesse (Mout?), installée à nouveau dans sa demeure. Il sagit probablement de la remise en service d’un culte ou de l’aménagement d’un sanctuaire consacré à cette déesse. Le roi s’est rendu à Héracléion, située à peu de distance de la capitale alexandrine.La ligne 18 débute par la mention d’une donation de terrain et évoque une visite effectuée par « le roi de Haute et Basse-Égypte Ptolémée, le dieu Philopatôr », le quatrième Ptolémée (221-205), dans « le(s) territoire(s) agricoles extrêmes (?) des confins du pays, surnommés le Temple de l’acacia, pour donner limpôt ».La ligne 19 semble faire écho à un conflit antérieur au règne d’Évergète II. Des rebelles auraient « transgressé un ordre/ décret » promulgué par son père, c’est-à-dire Ptolémée Épiphane (204-180), allusion possible aux troubles qui ont éclaté, en Haute-Égypte ou dans le Delta, réprimés par le général Aristonikos dans la campagne de Balamoun, si l’on en croit les deux décrets de l’an 23 d’Épiphane. Le texte (l. 20) relate ensuite la convocation de notables du pays auprès du roi. Il ne s’agit pourtant pas de la réunion d’un synode de prêtres mais de personnels administratifs et de fonctionnaires. On apprend que cette délégation se rend à Alexandrie mais le contenu des entretiens avec Évergète II n’est pas conservé.La ligne 21 fait état d’un recours aux écrits anciens, probablement pour justifier la propriété d’une terre jusqu’à l’an 44 du pharaon Amasis, c’est-à-dire à la veille de la première domination perse en Égypte.Dans un passage de la ligne 22, les prêtes semblent évoquer la violation d’un droit d’asile. Le roi place les paroles des plaignants « en présence du maître de Gereb » et fait appel à son « scribe de la palette (royale) » afin, probablement, de porter à la connaissance de tous les décisions qu’il a prises sous la forme d’un décret.La ligne 23 est presque entièrement perdue. La ligne suivante énumère les Lagides divinisés et précise que le roi a fait apporter le décret aux prêtes d’Héracléion. Il ressort de cette lecture que ce texte ne comporte, pour l’essentiel, que des données relatives aux préoccupations locales des prêtres d’Héracléion, en l’occurrence la récupération d’une prébende et d’un droit d’asile.Christophe Thiers, dans Trésors engloutis d’Égypte, Paris, 2006 p. 108, avec bibliographie