Le cartel mesure 95 cm de large. L’inscription comportait sept lignes. La ligne 5 a été martelée sur une longueur d’environ quinze lettres dans sa seconde partie. La ligne 6 est très effacée, mais lisible. Hauteur des quatre premières lignes : 56 cm; hauteur des trois dernières lignes : 40 cm. Faute de place dans le champ épigraphique, le lapicide a dû serrer les lettres de la ligne 4 et utiliser des abréviations.Traduction : « [En l’honneur du] maître de la terre et de la mer, adorateur de Sérapis, éternellement vivant, Marcus Aurelius Severus Antoninus, Pieux, Auguste, les Antoniniens... Romains et Alexandrins, ont dédié [la statue], en raison de son dévouement. » « La titulature, malgré son caractère stable et presque hiératique, subit, suivant les règnes, des modifications que la pensée profonde de la politique des empereurs détermine bien souvent », selon la définition de R. Bloch. Autrement dit, la titulature impériale renvoie en quelque sorte l’image que l’empereur voulait donner de lui-même à ses sujets. Dans le cas présent, elle permet de cerner la personnalité de Caracalla. Le thème conventionnel de la domination de Rome est exprimé avec une particulière insistance dans la titulature. D’abord à l’aide de la formule « le maître de la terre et de la mer », qui est fréquente dans la titulature de Caracalla. La même idée est reprise et amplifiée par la mention de la « terre habitée », c’est-à-dire « civilisée ». Le titre de « souverain de l’univers » renchérit encore sur les désignations précédentes. Appliquée à Caracalla, l’épithète « aimé de Sérapis » prend une valeur particulière et souligne la dévotion de l’empereur pour le dieu de la santé, qui figure au revers de ses monnaies dès 212. La manifestation la plus spectaculaire de cette ferveur est l’édification par cet empereur d’un temple colossal, à Rome même, sur le Quirinal, en hommage à ce dieu. Les dédicaces reprennent à l’aide d’une expression jusqu’ici inédite : l’idée traditionnelle de l’éternité de l’empereur (« éternellement vivant »), rarement attestée dans la titulature de Caracalla, mais qui revient dans celles écrites en langue indigène d’un certain nombre d’empereurs. Dans une des inscriptions, le nom de l’empereur doit être restitué à partir du praenomen et des lettres du nomen qui subsistent sur la pierre. Le fait que le nom de Caracalla ait été martelé implique la damnatio memoriae du nom de l’empereur, sans doute à la suite de la répression sanglante des désordres qui eurent lieu à Alexandrie, lors de sa visite, de novembre-décembre 215 à mars-avril 216.« Dieu Auguste ». On sait qu’ordinairement, dans ses rapports avec ses sujets, l’empereur romain ne se présente pas comme un « dieu ». Ce sont eux qui l’appellent ainsi, pour traduire leur vénération envers celui qui détient le pouvoir suprême. Comme l’écrit P. Veyne, « dans le monde gréco-romain, l’adoration du souverain est le plus souvent une initiative des sujets, ou plutôt des cités autonomes, et non un décret du souverain lui-même. L’empereur ne se fait pas adorer, comme on le dit distraitement : il se laisse adorer... ». Certains empereurs ont été appelés « dieux » de leur vivant. Cette appellation appliquée aux Augustes vivants est une des affirmations isolées qui procèdent d’initiatives locales ou d’organismes privés. En Égypte, cette divinisation de l’empereur vivant est la conséquence du fait que l’empereur, comme les rois lagides avant lui, a pris la place de Pharaon, garant de l’équilibre du monde et de la prospérité commune. Comme le dit J. Yoyotte, à propos d’Auguste, « l’ancienne religion égyptienne avait de toute éternité affecté le Prince à garantir la pax deorum ». En ce qui concerne les dédicants, une inscription mentionne les « Antoniniens » désignés comme « Romains et Alexandrins ». Il pourrait s’agir de membres d’une association de fidèles du culte impérial, issus de deux groupes ethniques différents. Mais il est plus probable que la confrérie des Antoniniani constituait un groupe homogène. On pense donc plutôt à des Romains d’Alexandrie. L’expression « Romains et Alexandrins » est attestée dans les textes du IIIe siècle et désigne une catégorie de privilégiés parmi les hommes libres bénéficiaires de la civitas. On sait que les Romains immigrés résidaient à Alexandrie et faisaient partie de la haute et moyenne administration romaine. Etienne Bernand dans Trésors engloutis d’Égypte, Le Seuil, Paris, 2006, avec bibliographie.