Bloc pourvu d’inscriptions. Des fractures secondaires sont visibles sur toutes les faces. Le plan des surfaces originelles est conservé en A, B, C, D. Deux encoches sur l’arête A-C. Ce morceau présente l’apparence d’une architrave ou d’un linteau de porte, l’inscription horizontale en A correspondant à la face verticale visible de face de la pierre en place, l’inscription verticale de C, apparemment de même facture, ornait la face inférieure (?). On lit en C vertical : la fin d’un cartouche, suivi de « vivant éternellement »; la zone du bout, bien polie, de 0,60m sur 0,60 m est restée vierge. En A horizontal : « (...) Haâb-ib-[Rê], celui des Deux Dames, le seigneur du Bras (Khepesh) ». Le quatrième nom du roi, son cartouche de couronnement est curieusement suivi de son deuxième nom (nebty). Cette ordonnance singulière de la titulature royale trouve précisément un parallèle sur un monument du même Apriès, un des blocs de quartzite provenant de Saïs remployés dans le fort mamelouk de Rosette « (...) Hââ-ib-Rê, l’Horus Ouah-ib », où c’est le premier nom qui suit le quatrième. Les cinq éléments architecturaux provenant d’une construction d’Apriès (589-570 av. J.-C.), en granite rose, appartiennent à l’origine au même monument. La forme générale et les proportions de tous restent reconnaissables en dépit des fractures et cassures grossières, visiblement des accidents secondaires qui les ont déformés. Conservant le deuxième (nebty, cat. 485), le quatrième (prénom de couronnement, cat. 482 et cat. 485) et le cinquième (nom de naissance 6) d’Apriès, les restes d’inscriptions hiéroglyphiques en creux, toutes de même facture et de même module, datent la construction originelle du règne de ce roi de la XXVIe dynastie saïte (589-570 av. J.-C.). Cette origine héliopolitaine des cinq fragments invite à se demander si un bloc de granite rose découvert dans le gisement immergé de Qaït-bey ne proviendrait pas de la même construction d’Apriès. Sur ce bloc, « un morceau d’architrave ou de linteau » (2, 42 m par 0,90 m, 0,52 m), est gravée une inscription horizontale nommant « (Celui des Deux Dames) le seigneur du bras Apriès, aimé des Puissances d’Héliopolis ». Les activités monumentales d’Apriès, dans les temples d’Héliopolis, n’étaient pas inconnues. Leur importance se devinait notamment à la lecture de l’autobiographie inscrite par son grand majordome, Pftaouneit, sur la statue qu’il plaça dans le temple d’Atoum. In situ, dans les ruines du sécos, du taureau Mnévis (Arab el-Hisn), un éclat de pierre associe le nom d’Apriès à celui de l’Osiris-Mnévis. Pour le reste mais non des moindres, un dromos du Serapeum d’Alexandrie avait incorporé, entre autres sphinx, une magnifique paire de sphinx de quartzite faite pour Apriès « aimé du Dieu des Âmes d’Héliopolis » et des « Âmes d’Héliopolis ». Qu’il se soit agi des constituants d’une salle à piliers carrés ou plutôt d’un encadrement de porte, les gros monolithes enlevés d’un édifice héliopolitain qui avait été embelli sous Apriès ont été déposés dans un temple alexandrin. À une date indéterminée, ils ont été découpés pour servir de matériaux dans une construction. On doit imaginer que celle-ci a été elle-même exploitée comme carrière au profit de deux nouvelles constructions. En effet, sur ces cinq vestiges d’Apriès, deux (cat. 483 et cat. 484) gisent sur l’esplanade dallée au centre de l’île, à 5 m environ l’une de l’autre, dans un semis de tronçons de colonnes romaines dont deux portent des inscriptions votives du début du IIIe siècle. Les trois autres (cat. 481,483, 484) gisent sur la côte sud du Port royal, comme en vis-à-vis, dans une zone pavée, dans un grand fouillis de blocs de roches variées et de fûts de colonnes romaines. Bien mieux (ou bien pire), les deux moitiés du montant, brisé net par un choc sismique ou un accident de transport, ont abouti en fin de course, l’un (cat. 481) sur la côte sud du Port, l’autre (cat. 482) sur l’île. On constate que la surface et l’inscription de la première sont fortement corrodées alors que sur la seconde elles demeurent comme neuves. Une hypothèse plausible serait la suivante : les blocs héliopolitains d’Apriès se trouvaient remontés en place ou déjà débités en blocs de maçonnerie dans un édifice alexandrin. Lors d’une campagne de reconstruction à l’époque romaine ou byzantine, cet édifice a servi de carrière commune au profit de plusieurs constructions nouvelles, ce qui aura provoqué une affectation sauvage et aléatoire à différents chantiers de construction plus ou moins contemporains et l’éparpillement de nos pierres héliopolitaines qu’on retrouve sur les lieux désertés des ultimes chantiers de démolition que la submersion a préservés en leur état d’abandon. Le cas est exemplaire des énigmatiques mésaventures de pierres tant de fois déplacées, recyclées et malmenées. Jean Yoyotte dans Trésors engloutis d’Égypte, Le Seuil, Paris, 2006, avec bibliographie.