Tronçon d’un obélisque de Séthy Ier en granite gris. Seule la face A est conservée. Des faces B et C, manque une bande de 0,70 m de large : la profondeur du bloc a été réduite par retaille à 1,30 m environ. Trois encoches entaillent les rebords. Il est possible de déduire la structure originale du décor de l’obélisque à partir de ce fragment, appartenant à la partie intérieure du fût. Sur chaque face, une large colonne axiale de hiéroglyphes contenait une titulature du roi. En bas, cette colonne partageait en deux un tableau montrant le roi (agenouillé plutôt que sous la forme d’un sphinx) en présence d’une divinité debout. Au-dessous du roi, dans un cadre, ses deux cartouches sont affrontés à un qualificatif le disant « aimé » de cette divinité. Face A Colonne axiale : « Séthy-Mérenptah ». À droite, le roi : « Le seigneur des Deux Terres Menmârê, le Cat. 488 Cat. 482 Rê, seigneur des Trônes des Deux Terres ». À gauche, le dieu : « Amon-Rê, seigneur des Trônes des Deux Terres ». Face B Colonne axiale: « aimé des seigneurs du Grand Château ». À gauche, le roi. Ne subsiste que le qualificatif, « aimé de (Ptah dans) Héliopolis ». À droite, le dieu Ptah dans sa chapelle : « Ptah, seigneur de Maât ». Face C Colonne axiale : « aimé de (Rê-Hor)akhti, doué de vie [...] ». À droite, le roi. Ne subsiste que le qualificatif, « aimé d’Atoum-Khépri, le dieu grand ». À gauche, le dieu Atoum à face humaine, coiffé du disque solaire : « Paroles dites par Atoum-Khépri : je te donne la vie ». Ni l’iconographie, ni la désignation d’Atoum ne sont des plus courantes. Alors que le dieu est le plus souvent représenté coiffé du pschent, il porte ici une perruque surmontée du disque solaire qui distingue certaines images de Rê-Horakhti. L’appellation qui affirme l’identité du soleil du soir et du soleil renaissant au matin est très rarement attestée. Le deuxième exemple connu est donné par une table d’offrande que vient à l’existence de lui-même » (CCG 23090). Les trois tableaux évoquaient donc trois des quatre premiers dieux de l’État ramesside, Amon thébain, le soleil héliopolitain sous sa forme d’Atoum-Khépri et Ptah de Memphis (un quatrième qui devait être soit Seth, soit une autre forme du Soleil figurait sur la face perdue). En tout cas, les mentions axiales de Rê-Horakhti et des divinités du Grand Château, c’est-à-dire du temple majeur d’Héliopolis, permettent de compter ce bloc comme un témoin de plus de l’oeuvre monumentale de Séthy Ier dans cette ville. On connaît en effet pour l’instant, en fait d’obélisques héliopolitains de ce roi, deux obélisques de quartzite formant paire et un obélisque de granit rose dont les morceaux ont été repêchés à Qaït-Bey, ainsi que l’obélisque de la Piazza del Popolo, enlevé vers 29 pour Rome et que Ramsès II avait achevé. On ajoutera la paire de greywacke dont fait mention la dédicace de la fameuse maquette de porte monumentale du Brooklyn Museum, provenant de l’Héliopolite. Peu de reliques de Séthy Ier ont été récoltées sur le site ravagé du temple central du Soleil :un petit éclat provenant d’un socle de statue et, plus significatif, les miettes de granite rose dont on a pu reconstituer un important naos cubique, maintenant à Torino, Suppl. 2676. En revanche, plusieurs vestiges importants des constructions héliopolitaines de Séthy Ier ont été retrouvés dispersés dans Alexandrie. Outre les obélisques précités, on remarquera le fragment de paroi grand montant de porte de quartzite maintenant au Musée gréco-romain (Labbane), le bloc de granite vu par Brugsch place des Consuls en 1853, l’énorme linteau de granit de Bruxelles qui servait de seuil de porte dans une maison arabe et un naos qui avait été repéré par Botti en 1896 (Gheninah). D’autres pièces ont d’ailleurs quitté Héliopolis pour d’autres lieux : ainsi la belle statue de granite gris figurant Séthi en grande robe plissée qui aboutit à l’époque romaine dans une villa ou un temple isiaque de Tusculum; ou encore les grosses tables d’offrande de même matière, dédiées aux divers membres de l’Ennéade, dont deux furent exhumées dans Le Caire fatimide. Sur notre fragment inférieur d’obélisque, l’idéogramme du dieu Seth dans le nom Séthy est intact comme l’est la figure de sphinx doté de la tête de l’animal séthien sur l’obélisque de granit de Qaït-Bey. Le dieu maudit a été martelé sur la table d’offrande CGC 23090. Une vérification sur les autres originaux reste à faire. Jean Yoyotte dans Trésors engloutis d’Égypte, Le Seuil, Paris, 2006, avec bibliographie.