Le sistre est vraisemblablement un des principaux instruments de musique en bronze retrouvés sur le site de Canope-Héracléion. Leur manche ornementé est presque toujours terminé par la tête d’Hathor qui appréciait particulièrement le grincement harmonique des tringles agitées par les prêtres.Ces instruments étaient souvent décorés de chatons ou de Bès grimaçants pour chasser les esprits malins. Selon la définition de Sachs, reprise par Hickmann, le sistre égyptien se définit comme un hochet pourvu de tringles, étagées parallèlement dans un cadre. Ces tringles peuvent être mobiles ; dans ce cas, la moindre secousse imprimée à l’instrument produit un son métallique. Les sistres retrouvés lors des fouilles appartiennent à la catégorie des sistres arqués, l’autre catégorie non représentée étant celle des sistres à « naos ». Ils se composent d’un manche cylindrique toujours surmonté d’une double tête d’Hathor et devaient être couronnés d’un arceau plus ou moins allongé. Ce dernier est percé de deux séries de trous permettant le passage des tringles. De petits anneaux enfilés sur ces tringles entraient en résonance dès que l’on secouait l’instrument. À noter que les sistres d’époque grécoromaine en sont souvent exempts.Comme la plupart des sistres arqués conservés, ceux retrouvés lors de la fouille sous-marine sont en bronze. Bien connu au Nouvel Empire, le sistre semble évoluer au Ier millénaire av. J.-C. Quelques exemplaires des XXIe- XXVe dynasties présentent un arceau décoré de scènes religieuses où figurent Isis, Mout, Amon-Rê, Horus enfant. Hathor est alors coiffée d’une perruque bouclée. Un petit nombre d’instruments en faïence de l’époque saïte sont décorés de la déesse au visage fin encadré de cheveux raides, et inscrits au nom du roi.À la même époque, le sistre est fréquemment tenu par la figure divine anthropomorphe à tête de chatte représentant Bastet, reproduite en bronze. Sur les murs des temples ptolémaïques, le sistre arqué est souvent offert par le roi en même temps que le sistre à « naos ». C’est à l’époque gréco-romaine qu’il connaît la plus grande faveur. Devenu l’instrument de la déesse Isis-Hathor, il se répand dans le Bassin méditerranéen en même temps que les cultes isiaques : « L’instrument se pare alors d’innombrables figures symboliques. La partie médiane, quand elle existe, est formée d’une tête d’Hathor à double face, ornée d’un large collier, le visage encadré de deux grosses boucles. Au sommet de l’arceau repose souvent un chat ou une chatte allaitant ses petits. Mais on peut y trouver un coq, un Horus enfant ou un Osiris Canope. À la place de l’uræus classique, un chat trône sous l’arceau. Le manche présente les formes les plus diverses : il peut être lisse, torsadé, ou en forme de massue d’Héraclès ; quelquefois il s’agrémente de figurines en relief : un ou deux dieux Bès debout sur des lions adossés, une prêtresse isiaque dansant sur un oiseau... Les barrettes sont souvent tordues ou terminées par une tête de canard » (Ziegler).Les sistres de Canope-Héracléion appartiennent à un groupe chronologique de sistres très difficiles à situer. Le manche est cylindrique. L’arceau, constitué d’une feuille métallique mince et assez large, s’emboîte dans les tenons du chapiteau hathorique. À noter que ce type de sistre est en général traversé par seulement deux ou trois barrettes aux extrémités très recourbées, sur lesquelles sont enfilées des rondelles métalliques. D’après Ziegler, « si l’on accepte l’hypothèse de Balcz développée par Junker et qui établit une relation entre l’instrument et le rite du sech ouadj, l’origine du sistre serait une très ancienne coutume égyptienne remontant peut-être à l’époque préhistorique. Ce rite qui nous est relaté par les inscriptions consistait à arracher ou à secouer des tiges de papyrus en l’honneur d’une divinité. Leur bruissement aurait été consacré à Hathor, déesse de la joie et originaire du Delta, célèbre pour ses fourrés de papyrus. Dans lesprit des Égyptiens, le froissement des feuillages (sech ouadj) et le bourdonnement du sistre (sechech) se seraient confondus ». L’offrande au dieu du produit de la cueillette de papyrus est connue. Les cérémonies hathoriques furent vraisemblablement pratiquées dans le temenos d’Héracléion, spécialement dans cette région septentrionale du VIIe nome de Basse-Égypte connue pour ses forêts de papyrus.Le sistre est un instrument qui apparaît dans les cérémonies religieuses : danses hathoriques, offrandes aux dieux, processions des barques sacrées. Il semble aussi jouer un rôle important dans les cérémonies funéraires. Néanmoins, il paraît trop systématique de le cantonner à usage uniquement religieux. Il est présent dans des fêtes profanes : scènes de réjouissances publiques, accueil de hauts personnages, etc. Son usage semblait réservé aux femmes. En outre, les colonnes à chapiteau « hathorique » protègent des monuments dédiés aux divinités féminines. Un tel principe apotropaïque peut être appliqué aux colonnes ornées du dieu Bès, dont la figure décorait tout à la fois le manche de certains sistres des époques tardives et les murs des mammisis. Le son de l’instrument apaisait la divinité et chassait les ennemis. Si l’offrande du sistre était un hommage rendu de préférence à Hathor, l’instrument était associé également aux déesses Bastet, Sekhmet, Tefnout, Thouéris, etc. Certains dieux, comme Amon, Ptah et Horus, appréciaient également ce rite privilégié.David Fabre, dans Trésors engloutis d’Égypte, Paris, 2006 p. 153, avec bibliographie