Partie de console ou de pied de table en forme de patte arrière d’un gros animal, probablement un taureau. De la cuisse sort une feuille d’acanthe accompagnée de deux spirales et de feuilles de lotus séparées marquant les bords arrière supérieurs. Les bords eux-mêmes sont à angles droits, sans ornements. La finition en est assez grossière, sans relief. L’arrière présente un grand évidement rectangulaire, destiné à recevoir un tenon pour fixer la console à un mur, ou une entretoise reliant le pied à un autre dans le cas (typique des époques hellénistique et romaine) d’une table tripode. Le bas de la patte et le sabot manquent, des spécimens retrouvés complets indiquent que ces pattes peuvent parfois combiner les caractéristiques de plusieurs animaux. La surface de la console est en bon état, les éléments décoratifs n’ont été que peu détériorés par l’eau de mer.De toute évidence, cette console ou pied de table devait supporter une sculpture, dont aucune trace de fixation n’a survécu, ou, plus probablement, un plateau de table : pour ce dernier usage, l’absence d’un support rectangulaire à l’arrière, au niveau du bas de la cuisse, est inhabituel. La découverte de l’objet à Canope donne à penser qu’il appartenait peut-être au mobilier du temple dédié à Sérapis, où une patte de taureau aurait parfaitement convenu. Le détail de la feuille d’acanthe est d’une importance particulière pour dater le fragment et proposer un contexte historique possible. Il s’agit de l’acanthe Acanthus mollis, tandis que les vides entre chaque groupe de folioles sont d’un type bien connu dans l’Athènes hellénistique et romaine - une variante du style corinthien aux vides « cerclés », c’est-à-dire qu’une bordure de pierre gravée souligne le vide pour en faire un élément décoratif plutôt qu’un simple espace.À Athènes, la vogue des vides cerclés commença quand l’empereur Hadrien acheva le temple de Zeus l’Olympien en 131-132 ap. J.-C., temple conçu par le tyran Pisistrate à la fin du VIe siècle av. J.-C. et partiellement érigé par Antiochos III « le Grand » de Syrie au IIe siècle av. J.-C. C’est l’achèvement de ce projet impressionnant qui inspira aux artisans de l’Athènes romaine l’idée de reprendre le motif original des chapiteaux corinthiens hellénistiques sur d’autres constructions dans la ville « ranimée » et agrandie par Hadrien. Cependant, la qualité exceptionnelle du fragment de Canope et l’utilisation de la feuille d’acanthe comme ornement supplémentaire sans rôle structural tend à dater l’objet de la période hellénistique. Sculptée dans un granite égyptien, tout donne à penser que la console est de facture alexandrine. Certains indices lient l’utilisation de ce genre d’acanthe aux projets architecturaux des rois hellénistiques - et plus tard des empereurs romains. Il est possible que cette belle console ait fait partie d’un don royal au sanctuaire de Sérapis.Susan Walker in Trésors engloutis d’Égypte, Paris, 2006 p.162 avec bibliographie